L’autrice : Tanella Boni
Prix Théophile Gautier de l'Académie française 2018
Le mot de l’éditeur :
Que faire lorsqu’on a connu la guerre et l’exil, un « premier départ / en pays étranger », puis d’autres guerres, d’autres départs ? Que dire à ces « vies précaires […], fauchées pour rien », ces « visages de femmes / enveloppés d’un voile de contraintes » ? Comment lutter contre barbares et fous de Dieu ? Où trouver la force de sonder les abysses de la mémoire négrière ? Quelle prière offrir au corps de l’enfant mort, ce « visage de l’innocence » échoué sur la plage ? La réponse à ces questions tient en une phrase prononcée dès le premier des sept poèmes du recueil de Tanella Boni : « Tu n’as pas d’autres armes que les mots ». Et l’auteure de nous rappeler que les mots aiment le dialogue, la tolérance et la paix ; que la poésie possède la capacité, rare, de réenchanter la vie. L’éditeur que je suis n’a pas d’autre certitude, mais c’est assez pour espérer.
Extrait :
« Me voici à la porte du jour le plus long
Là où il fait si clair en moi
Ma raison refuse l’évidente clarté séculaire
Qui sépare l’humanité en portions inégales
L’humanité si divisée si malmenée
Et transparente
Comme celle dont j’ai hérité
Par la faute de ma peau invisible
À force d’être visible
Cette peau qui m’a tout donné
Cette peau dont je suis si fière
Ma peau de femme qui n’en fait
Qu’à sa tête »