Un bateau nommé poésie
© Setka Films

Anthony Phelps

HOMMAGE À ANTHONY PHELPS

C’est un ami, un frère, un pilier de notre maison d’édition qui s’est éteint le 11 mars dernier, nous laissant sans voix. L’immense poète haïtien Anthony Phelps avait 96 ans et une œuvre majeure qui a marqué la littérature mondiale, une poésie puissante et surréaliste, un hymne à la liberté, une célébration de la vie.
Anthony, dernier représentant du mouvement Haïti littéraire, c’était d’abord une voix, unique, chaude, grave, profonde, une voix qui vous remue les tripes et vous attrape le cœur. Cette voix ne s’éteindra jamais. Chaque Haïtien l’entend résonner en lui, car chaque Haïtien connaît son texte phare « Mon Pays que voici », cet immense chant lyrique de résistance et de liberté dont l’enregistrement circulait partout sous le régime de Duvalier, le dictateur qui avait contraint le poète à l’exil au Québec en 1964, après l’avoir envoyé en prison. Nombre d’Haïtiens peuvent dire comme son ami Louis-Philippe Dalembert que « par la grâce d’un seul poème, dit d’une voix chaude, il a contribué à ma formation à la fois esthétique et politique, d’homme tout simplement. » En publiant d’abord son anthologie rassemblant cinquante ans de poésie, Nomade je fus de très vieille mémoire en 2012, un compagnonnage et une profonde affection nous a lié à cet homme fin, à la parole rare. Des souvenirs de scènes ensemble, de festivals, de remises de prix, de repas partagés, de mains serrées et d’épaules tourbillonnent dans nos têtes, indissolublement liés à Hélène Maïa, sa compagne, vers qui nos pensées très émues se tournent. Quelle chance avons-nous eue de les connaître tous deux.

Bruno Doucey & Murielle Szac

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Anthony Phelps est né en 1928 en Haïti, où il contribue à fonder le mouvement Haïti Littéraire. Opposant à la dictature de Duvalier, il connaît la prison et l’exil. Établi à Montréal, il livre une œuvre de premier ordre qui fait de lui l’un des écrivains haïtiens les plus connus en Amérique. Traduit dans de nombreuses langues, deux fois lauréat du Prix de Poésie Casa de las Américas de Cuba, le voici enfin publié en France avec son anthologie Nomade, je fus de très vieille mémoire, publiée en 2012 aux Éditions Bruno Doucey. Son recueil Je veille, incorrigible féticheur est paru aux Éditions Bruno Doucey en mai 2016. Il est nommé lauréat du 27ème Prix Carbet de la Caraïbe et du Tout-Monde en 2016, et obtient, en 2017, le Grand Prix de Poésie de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre. Son ouvrage Au souffle du vent-poupée,
dans lequel des fragments de ses poèmes accompagnent des œuvres de
l’artiste Iris Geneviève Lahens, est paru en 2017 aux Éditions Bruno Doucey. En 2023, son texte culte Mon Pays que voici paraît dans la collection Sacoche. Il décède en mars 2025, laissant derrière lui une œuvre majeure.H